De la difficulté à publier quand on veut faire les choses bien

L’utilisation d’un site internet a quelques contraintes. Cela reste un média de publication, supposant un public auquel on s’adresse. Je sais bien que mon audience est extrêmement limitée, mais tout de même : pour les trois personnes qui me lisent, j’ai envie de faire les choses bien.

L’une de ces contraintes mal formulées vient de l’envie de publier « dans l’ordre ». Quand je lis une histoire, j’aime bien avoir un début, un milieu et une fin. J’aime bien comprendre comment on est passé de la situation A à la situation B. L’histoire peut avoir une construction temporelle entremêlée, mais cela doit obéir à un choix structurel. Les flash-back et les aperçus de l’avenir, c’est sympa à condition de donner du sens aux évènements.

Une autre contrainte vient de l’envie de publier des textes qui soient à la fois en bon français et d’un niveau littéraire suffisant pour apporter du plaisir à être lu.

Cette envie-là est pertinente dans une démarche d’éditorialisation. Cependant, n’ayant pas un temps assez grand à consacrer à l’écriture, cela a des conséquences tristes : je ne publie pas tout.

J’écris par saccades. Il peut se passer des mois sans un seul récit, et puis soudain je vais raconter quelque chose tous les jours. Écrire est pour moi une activité onaniste apportant une satisfaction intense, plaisir que je ne peux susciter qu’à certains moments de ma vie, dépendant d’innombrables circonstances. Quand je peux, je le fais.

J’écris, mais je ne publie pas forcément. Nombre de textes sont des ébauches qui ne trouveront jamais leur conclusion. D’autres sont pleins de maladresses. D’autres demandent uniquement de corriger les fautes de grammaire les plus monstrueuses et pourraient alors amuser la galerie. Mais si ce n’est pas « assez bien », ça n’atterrit pas ici.

Et puis il y a aussi tous les textes qui ne sont pas écrits et s’intercalent entre ceux qui le sont. J’ai une vie imaginaire riche, à défaut d’avoir une vie concrète aussi remplie ; j’occupe de nombreux moments en imaginant comment tels et tels personnages vont interagir, ce qu’ils vont vivre, quelles aventures ils vont avoir. Parfois la scène est si claire que j’ai besoin de l’écrire. Et évidemment elle a tendance à se modifier lors de l’écriture, transformant les prochaines rêveries, retardant d’autant plus d’autres publications.

Si j’ai écrit la situation A et la situation Z, mais pas toutes les lettres de l’alphabet entre les deux, alors j’ai tendance à laisser Z au placard. Même si c’est génial1).

Et, quelque part, c’est idiot. Parce que ce site est peut-être un média de publication, mais ce n’est pas non plus un média professionnel. Si je passe du coq à l’âne, ça va peut-être frustrer un peu mes lectrices, mais je sais aussi que la plupart seront quand même contentes d’avoir un nouveau texte. Même imparfait et bancal. Si un jour je publie un livre, il sera temps de chercher un éditeur pour motiver à écrire les bouts manquants et retravailler tout ce qui ne va pas.

En attendant, publier est une étape importante pour moi dans le processus d’écriture. Cela me permet de sortir de la pratique onaniste, pour aller vers un partage. Oser se confronter au regard d’autrui est important pour améliorer ses constructions. L’une de mes motivations à écrire est aussi d’imaginer comment le texte sera reçu ; si j’arriverais à transmettre des émotions à travers mes écrits, à plonger quelqu’un dans un autre univers l’espace d’un instant. C’est mieux de sortir de l’imaginaire et d’avoir, à un moment, le risque d’un vrai retour. Mais pour ça, faut publier !

Au début du mois de novembre, je savais que je n’aurais pas le temps de participer au Nanowrimo. Les contraintes de mon quotidien rendaient le défi impossible et je n’avais pas besoin d’un stress de plus. Je me suis cependant lancé un défi plus à ma portée, avec une amie écrivaine pour servir de témoin : publier un texte par semaine, qu’il soit sorti des placards ou tout chaud.

Je crois que j’y suis arrivée. Le mois de novembre a vu de l’activité sur ce site, dans la partie des histoires. J’ai aussi publié les « logs », qui comptent à mes yeux : des bouts d’histoires construits en collaboration sur Ryzom. J’ai aussi écrit sur le forum du jeu. Mais je n’ai pas mis cela ici car… il manque des bouts entre les deux !

Et c’est tout le problème. Il manque des bouts, lesquels ne sont pas écrits ou trop en brouillons, donc je ne publie pas assez.

Je vais essayer de trouver des solutions pour ça. Déjà, accepter de casser les liens « précédents/suivants » sur les pages des histoires. Accepter qu’il manque des morceaux, même s’ils sont trop géniaux et demandent à être écrits : on y reviendra un jour, peut-être, ou pas, mais entre temps j’aurais limité un peu la procrastination et j’aurais le plaisir d’avoir mis en ligne plus de choses.

 Ce texte est placé sous licence CC-BY-SA

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Oui, je m’aime bien et je suis très complaisante avec moi-même. J’assume. Écrire demande un narcissisme énorme, sinon on ne peut pas relire cinquante fois son texte.