Depuis un peu plus d’un an, je participe à des ateliers d’écritures.
Ces ateliers sont assez particuliers. Dans un cadre extrêmement bienveillant et agréable, il y a une grande liberté sur “quoi” écrire, notre animateur se considérant comme étant un participant lui aussi, amenant juste quelques pistes que nous sommes libres de choisir… ou pas. À chaque fois, un morceau d’œuvre sert de base. S’agit-il d’écrire « à la manière de“ ? On peut, et on peut aussi juste écouter ce que cela éveille en nous.
J’y suis allée sans en attendre grand-chose, mais ces ateliers ont été une surprise, et derrière ce format presque informel, c’est très riche en enseignement. D’abord dans la confirmation d’une croyance : tout le monde peut (et sait) raconter. C’est une thèse que je défends sur Khaganat, et qui trouve sa preuve ici. Les gens qui viennent sont d’origines variées, chacun a son style, aucun ne se prétend écrivain, et pourtant, wouah : il y a régulièrement des textes qui sont d’une beauté incroyable, largement à la hauteur de choses publiées.
Ensuite, cela me décomplexe énormément sur les règles de l’écriture. Ma culture bourgeoise pèse parfois lourdement, pleine d’injonctions : il faut écrire comme ceci, pas comme cela ; ça, c’est bien, ça, non. La diversité des œuvres étudiées est une première pierre lancée dans cette cathédrale de règles : poètes et poétesses se foutent de tout cela. De celles qui ponctuent comme un souffle, qui parsèment les points et les majuscules comme on sèmerait du coquelicot, ou de celles qui suppriment tous les points ; de ceux qui associent des mots sans rapports, qui se répètent et scandent, ou ceux qui oublient les verbes, qui en mettent trop, qui ne savent plus finir les phrases.
Et tout cela est valide.
Et l’orthographe ? Qu’est-ce qu’on s’en fout aussi. Enfin, plus ou moins, c’est tout de même cool d’avoir une certaine cohérence, mais suivons les recommandations des Linguistes Atterrés, réapproprions-nous la langue, découvrons les diverses façons d’écrire un ”bon français“
Dans le fond ? Le fond aussi, osons le revoir, sauter d’une idée à l’autre, avancer dans un sens et dans l’autre. Parfois une image est clichée, et alors ? Si elle parle à ce moment, elle a le droit d’exister. Parfois une scène est cocasse quand on la voudrait dramatique : c’est comme ça qu’elle veut vivre.
Je redécouvre la poésie.
Derrière tout ça, il y a la question : « pour quoi écrire ». Certes, quand je rédige de la documentation, c’est mieux que ce soit appropriable par le maximum de monde. Mais bien souvent, j’ai surtout envie d’exprimer « quelque chose ». D’autres font de la musique, des dessins, papotent, vont courir ; mon mode d’expression favori reste l’écriture. Et quand c’est juste ça qui me guide, peu importe la qualité académique de ce que je produis. D’autant que je ne vise pas le Goncourt, ni même une publication officielle. Si quelqu’un a envie d’y lire, et si je me suis décidée à y mettre en public, très bien ; et sinon… il n’y a pas d’enjeu.
Ça se tempère tout de même dans le sens où quand je rends un écrit public, je ne suis plus sur une expression purement personnelle et interne, j’espère (un peu) que cela va générer un échange, va me permettre d’entrer en contact avec un autre humain, voir un peu plus.
Je chemine doucement avec ces concepts. Je lâche un peu certaines de mes injonctions, je regarde ce que je veux faire des règles. Il y en a que j’aime bien, mais c’est différent de suivre des règles parce qu’on y adhère, et de le faire par contrainte.