Il va être question d'animation de communauté. Mais ce terme, “animation de communauté”, recouvre des milieux et des pratiques extrêmement variées. Dans le monde de l'industrie, il s'agit généralement de gérer l'image de la marque et de déclencher puis entretenir des phénomènes d'addictions chez ses consommateurs. Dans le monde associatif, de motiver les adhérents à participer à des activités et à devenir moteurs des projets de l'association. Dans le monde du logiciel libre, de susciter et gérer les contributions.
Ce ne sont que quelques exemples, qui paraissent à priori très éloignés les uns des autres, et il y a réellement des différences de but autant que de moyen entre des structures ayant comme seul intérêt de faire du profit et d'autres structures aux motivations souvent bien plus complexes…
Pourtant, les mêmes outils peuvent s'utiliser dans tous ces cas. Suivant votre communauté, certains outils, certaines pratiques vont vous servir plus que d'autres ; peut-être que vous vous en servirez avec éthique, ou avec utilitarisme… Mais le fond est le même. L'être humain est avant tout un être sociable, et l'animation de communauté consiste principalement à s'occuper de cet aspect social. Aussi ce qui sera développé ici peut aussi bien servir à animer une communauté de papous en Nouvelle-Guinée qu'une bande de loups dans les bureaux des GAFAM.
Pour autant, la motivation à poser ces concepts est encadrée par un cadre relativement précis : le souhait d'aider la société de contribution et le monde des communs à se développer. Il y aura quelques exemples pris ici et là dans d'autres univers, mais le discours, dans cet ouvrage, s'adresse en premier au logiciel libre, puis à tout ce qui gravite près de cet univers.
Les humains ont une certaine capacité d'auto-organisation. C'est particulièrement vrai dans les milieux les plus capacitants, où ce qui est reconnu et valorisé est la capacité à faire, dont le logiciel, la culture libre et l'éducation populaire sont quelques exemples. C'est vrai aussi dans les groupes minuscules, jusqu'à 4-5 individus, portés par un même projet et qui peuvent s'auto-gérer sans avoir besoin de penser à comment “s'animer”.
Mais il arrive aussi un moment où une communauté a besoin de guides pour continuer à être active ; pour continuer à être une communauté, et non un assemblage d'individu incapables de communiquer entre eux. Assez souvent, on assiste à la mise en place d'une organisation (formalisée ou non), avec quelques individus moteurs qui vont prendre les décisions impactant tous les autres. Dans les cas où l'organisation n'arrive pas à se mettre en place, la communauté se délite, chacun des individu qui la compose retournant à d'autres occupations.
L'intérêt d'une communauté, d'une vraie communauté fonctionnelle, par rapport à l'ensemble des efforts individuels sans concertation, c'est que l'on va plus loin à plusieurs. Qu'il s'agisse de vivre en autonomie loin de la société capitaliste ou de lancer sa start-up, une personne seule fera toujours moins qu'un ensemble de personnes travaillant de concert.
L'espèce humaine a trouvé une grande variété de motivation pour se regrouper : des questions de survie basiques (lutter contre le froid, la famine et les prédateurs), jusqu'à des concepts permettant de faire travailler les individus à une cause commune quand bien même ils n'ont aucun attrait pour cette dernière : esclavagisme, religion, argent…
C'est une problématique particulière dans le libre et le milieu associatif, car la plupart des projets libres et/ou associatifs n'ont pas les finances pour payer des gens. C'est aussi un point fort, car la motivation des gens à contribuer et donc à rejoindre la communauté n'est pas du domaine de l'obligation (payer ses factures !), mais d'un choix plus libre, menant à un investissement plus fort au sein des projets.
Pour autant, il faut comprendre comment motiver ces contributions, comment les gérer et les intégrer, et surtout comment faire pour que les humains qui font ces contributions s'améliorent et restent au sein de la communauté, afin que le ou les projets communs tirent parti de ces forces accumulées.
L'objectif, ici, est de donner les concepts permettant d'organiser une communauté, de la faire vivre, et de permettre à chacun de ses membres de s'y épanouir en donnant le meilleur d'eux-mêmes.