Il était une fois un petit renard roux qui était aussi sauvage que curieux. Il arriva dans une contrée où les gens ne connaissaient pas les renards. Pour la première fois de sa vie, il ne se faisait pas chasser à coup de pierre, les chiens ne le pourchassaient pas.
Méfiant au début, il finit par s’approcher peu à peu des maisons. Un homme remarqua le manège : chaque soir, le renard attendait que tout soit calme puis il venait manger les restes de la gamelle du chien avant de se sauver à toute allure. Parfois, le renard s’attardait, humant les odeurs qui s’échappaient de la maison.
L’homme ne précipita pas les choses. Il veillait à remplir un peu plus la gamelle, de choses toujours plus succulentes. Au début un peu maigre et pelé par sa vie d’errance, le renard retrouva rapidement un poil brillant avec ce régime. Il resplendissait dans la lumière du couchant.
Un soir, il arriva vers la gamelle, assez confiant, et là ! Un homme ! Assis sur le banc devant la maison ! À même pas 10 mètres !
Mais l’homme ne bougeait pas, il regardait la nuit tomber, sans paraître remarquer le renard. Et ainsi, plusieurs soirs de suite. Le renard continua à manger. Visiblement, cet homme là ne le voyait pas, ou ne lui en voulait pas.
Il remarqua, bien sûr, que chaque jour la gamelle se rapprochait du banc. Il se tenait prêt à déguerpir rapidement au moindre mouvement.
Lorsqu’il fut à cinq mètres, l’homme parla. Il parla de la pluie et du beau temps, de l’été qui finissait, des arbres lourds de fruits. Un peu surpris au début, le renard le laissa dire. L’homme avait une voix chaude et enveloppante, pas trop forte, amicale.
À présent, chaque soir, lorsqu’il venait, l’homme lui parlait.
Le renard restait à l’écouter après avoir fini la gamelle. Il finit par s’asseoir aux pieds de l’homme.
Pendant longtemps, cette relation continua puis l’automne s’installa. La pluie vint, l’homme ne s’assit plus sur le banc. Mais il laissa la porte entrouverte.
Le renard hésita. Il y avait ces odeurs… et la chaleur qui était si proche. Il glissa son museau dans l’ouverture. Il y avait un feu apprivoisé qui brûlait et réchauffait la pièce et l’homme, assis, qui brisait des noix, tranquillement.
Le renard le regarda faire un long moment, mais toujours un peu dehors. L’homme lui raconta des histoires de l’automne.
Le lendemain, le renard entra, mais resta vers la porte. À la fin de la semaine, il se blottissait près du feu.
Un soupir d’aise lui échappait parfois.
Les renards ne sont pas des chiens, même s’ils y ressemblent. Je pourrais continuer longtemps cette histoire, parler du temps qu’il faut pour apprendre la confiance, ne jamais pouvoir effacer cette petite étincelle au fond qui s’inquiète au moindre geste, l’importance du moindre mouvement, la douceur de la première caresse… Savourer un bonheur qui nous parait impossible, pourtant sûr au fond de soi qu’il peut s’arrêter du jour au lendemain. Et un jour, oui, le bonheur disparait, car c’est toujours comme ça. L’un ou l’autre vieillit, meurt. Ou bien un mauvais chien entre dans la maison, ou des soldats d’un autre pays, parfois des soldats d’un même pays.
Mais, ce qui compte, c’est ce bonheur, à ce moment. La douceur au coin du feu, la caresse dans la fourrure, les histoires simples et la bonté.