Les histoires… il y aurait tant à dire sur elles ! De quoi occuper des thèses et des antithèses, des romans-fleuves et des sagas. D’ailleurs, certains l’ont déjà fait.
J’aime parler des histoires, tout autant que les raconter. Ce sont des petites bêtes curieuses. Chacune est unique, demande un soin et un regard particulier.
J’aime tout dans les histoires. Les vraies et les fausses, les romancées et les bruts de décoffrages. Celles qui se pavanent, celles qui vous envoûtent, celles qui vous donnent envie de les raconter à votre tour, celles qui vous interrogent. J’aime les entendre autant que les raconter, les supposer autant que les vivre. J’ai bien sûr des styles d’histoires que je préfère et des voix de conteur qui me transportent plus, mais dans le fond, chacune a sa place.
Il y a eu quelques événements dans ma vie où mon amour des histoires a pu s’épanouir, alors qu’il était mis en péril.
Le premier événement était quand j’ai découvert le jeu de rôle. J’avais fait traîner l’enfance autant que possible pour rester avec un public qui appréciait les bonnes histoires, mais je sentais que j’arrivais à la limite. Quand on arrive au lycée, on n’est plus sensé jouer aux cow-boys et aux indiens avec les mômes de collège et primaire. Mais c’était les seuls qui acceptaient encore d’inventer et de vivre des histoires, ceux de mon âge avaient déjà rejoint, moroses, la colonne des lobotomisés n’acceptant que des histoires prémâchées d’où le rêve était absent. Puis j’ai croisé un rôliste, puis toute la bande qui allait avec et j’ai découvert un nouvel espace de narration qui me permettait toutes les folies, toutes les histoires.
Le second événement est une rencontre, d’une personne, unique, qui comme moi pouvait se perdre dans une histoire. Encore une fois, nous étions toutes deux isolées au milieu de gens aux rêves morts, aux songes sclérosés. Parlez de mondes parallèles et d’extraterrestres à des gens qui croient qu’il faut être “sérieux” pour réussir (réussir quoi ? à rater sa vie ?), et vous aurez une bonne idée de ce que signifie la solitude. Mais je n’étais pas seule, grâce à cette amie, et notre quotidien fut envahi de trolls, d’elfes et d’amazones. Et parfois, nous arrivions à réveiller chez les autres des petites flammes, un goût pour le fantastique, qui ne pouvait faire que du bien.
Le troisième événement est ce qui a sauvé des armées de geek : internet. Tandis que le réseau se développait, il devenait de plus en plus facile de partager des histoires, de trouver ceux qui les racontaient, mais aussi de contaminer peu à peu les désillusionnés qui nous entouraient. Pas tous, non, mais un peu… et c’était déjà ça. La toile a été un facteur majeur pour tous les rêveurs, le moyen de trouver ceux avec qui l’on pouvait enfin échanger.
Le quatrième événement a été une suite d’événements, centrés sur un jeu : Ryzom. J’étais alors retournée un peu à la morosité traditionnelle, forcée par les exigences de la survie à baisser la tête et à rêver moins fort, abrutie par le travail. Avant Ryzom, je recommençais à me réfugier seule au milieu de mes histoires. Mais les histoires qu’on porte ont besoin d’échanges pour grandir et donner leur potentiel. Et c’est ce que j’ai trouvé sur ce jeu. Des gens qui aimaient passionnément les histoires, qui aimaient les raconter, les vivre, les partager, les écouter.
La vie est faite de petites choses qui, bout à bout, font une histoire. Il suffit parfois d’un rien pour que l’histoire aille dans un sens ou dans l’autre. Souvent, tout tient à la décision du conteur : explorer une voie plutôt qu’une autre. J’aurais pu ignorer ce rôliste et cette étrange manie de vouloir que les filles jouent des filles en jdr ; j’aurais pu ne pas parler à cette jeune fille timide ; j’aurais pu ne pas m’intéresser à cette invention technologique ; j’aurais pu différer longtemps encore l’expérience des mmorpgs et choisir le mauvais.
Mais d’autres embranchements ont été pris, et tout ça m’amène aujourd’hui à raconter des histoires dans un alinéa.
C’est ce qui fait une histoire : une somme de petites choses qui raconte quelque chose d’important.