Ceci n’est pas vraiment une “histoire” mais un voyage dans une contrée lointaine, très très lointaine. Si lointaine qu’on en revient l’esprit brumeux, avec des fragments, des images, comme des cartes postales, et une émotion dans le cœur.
Comment m’étais-je retrouvée là ? Je ne sais plus. J’avais trouvé une Porte, je l’avais passée, puis de fil en aiguille, de chemin de traverse en pont sur l'abyme, j’avais continué, les contrées les plus familières du Rêve laissaient la place à l’Ailleurs, tandis que les couleurs devenaient plus fortes.
Ici, tout était plus vrai. Chaque inspiration était une expérience.
Un canal traversait la ville. On voyait flotter à sa surface quelques plumes, et tout ce qui fait la vie d’un canal dans un lieu trop habité. Ce genre de détail qui signale au Rêveur attentif qu’il n’est plus dans une zone sécurisée. Je me laissais porter, attentive à ne pas briser la paix des lieux. Les hauts bâtiments étaient tous de couleurs différentes, dans des tons pastel harmonieux, regardant au-dessus du canal le voyageur égaré dans ses traboules.
C’était un lendemain de fête : il y avait dans les allées des confettis et malgré le jour déjà bien levé, on ne voyait personne dans les rues.
Personne… ou presque. Une silhouette s’approchait. Quelqu’un que je connaissais bien. Comme à chaque fois, sa venue m’emplissait de terreur autant que de joie. Qui étais-je pour oser porter le regard sur lui ? Et pourtant, comme je rêvais qu’il me regarde…
Et comme c’était un Rêve, et que j’étais Rêveuse, il me regarda.
Tétanisée sous son regard de feu, je frémissais du blasphème que j’avais osé accomplir. Muette, j’implorais son pardon.
Un sourire étrange dansa sur ses lèvres. Il me tendit la main, m’indiquant un bateau accroché au pont. Je montais, le laissant m’emporter…. encore plus loin…
Mais ce qu’il y a au-delà du Rêve est aussi au-delà des mots.