De tous les refuges qui peuplent l’univers, c’est à celui-là que tu reviens.
Il y a des jardins parfumés où le temps suspend son vol ; il y a des prairies parfumées où un souffle printanier efface les soucis ; il y a des tavernes accueillantes, au bois poli par des siècles d’usage ; il y a des plages au ressac rassurant ; des salons aux coussins moelleux.
Mais c’est ici que je te retrouve lorsque tu vacilles.
Malgré tous les endroits charmants de l’univers, tu préfères panser tes blessures en contemplant ce paysage écrasant. Tu choisis d’affronter la rage, la destruction et la peur, plutôt que de chercher le réconfort. Tu vas là où tu sais que nul ne te soutiendra, alors que tant de gens seraient prêts à t’accueillir. Tu te perds dans le fracas, quand je sais que ton âme aspire au calme.
Tu as une notion étrange du réconfort.
Il suffirait d’un mot, et je t’emmènerais vers des paysages plus sereins, je ferais de ta nuit un enchantement. Mais je vois ta main qui cherche ta lame et ta tête qui se tourne nerveusement, à l’affût des cauchemars. Je sens que ton corps est attiré par l’exploration des zones les plus sombres.
Il y a dans ton regard cette flamme qui cherche les ennuis.
Tu cherches l’ombre et la douleur, comme pour te convaincre que tu vis. Que cherches-tu à expier ? Quelle souffrance bat en ton sein pour avoir besoin de résonner ici ?
Je serais à tes côtés, ce soir comme tant d’autres soirs, tour à tour tourmenteur et sauveur, afin de t’aider à trouver ce que tu cherches désespérément. Mais tu ne trouveras pas ici ce qui manque vraiment à ton cœur.
Tu ne peux trouver ici que ce que tu apportes. Et tu n’apportes que fracas et violence.
Mais par des chemins détournés, je te mènerais plus loin. Sans que tu puisses me résister, je tenterais de te mener au-delà de tes désirs. Je te ferais entrevoir un instant de quoi brûler ton âme. Juste un instant. Ton cœur s’apaisera, et je refermerais la porte avant qu’il ne soit consumé. Tu oublieras la fureur et le fracas et il ne restera que ton désir. Tu tenteras de forcer la porte, je le sais déjà, pour replonger encore dans ce feu… mais je te repousserais, je te ferais repasser par toutes ces salles que tu as tenu à traverser à l’aller, puis je te jetterais dehors, dans le froid de la nuit. Hébétée, tu me regarderas, avant de t’éveiller.
Et dans les jours qui viennent, tu sauras enfin savourer les prairies mordorées, les tavernes bondées, les plages où soufflent les alizés. Un instant, tu vivras…