Après être sortie de son entretien avec Alric, Laofa se dit qu'elle était dans de sales draps. Ce qui l'inquiétait vraiment, c'était que le savoir qu'elle possédait disparaisse.
Le premier TP qu'elle sortit fut celui de Thésos. Bah, pourquoi pas.
En arrivant sur place, face à la beauté du lieu, une idée lui vint. Il était très tard, il n'y avait personne dans le bar et Pecus Cegrips s'endormait un peu sur ses bouteilles. Elle lui commanda une bière d'Ocyx puis se mit à papoter avec lui, l'air de rien. Comme beaucoup de Fyros, il faisait celui qui sait tout, qui a tout vu ; cependant Laofa remarquait qu'il ne disait rien de bien impolitiquement correct. Elle fut vite convaincue qu'il appartenait à cette association informelle de barmen qui savaient garder le silence sur les sujets importants. Discrétion envers le client, tout ça. Comme tous les barmen qu'elle avait croisés… On pouvait leur confier des histoires de cœur, ils faisaient mine d'écouter mais ne répétaient rien de gênant.
Elle finit par prendre le risque.
“Pecus, accepterais-tu de me rendre un service contre rémunération ?
-Tout dépend quoi…
-Je suis en train de préparer une enquête sur des sujets un peu… sensibles. Il est possible qu'à un moment ou un autre, on essaie de me réduire au silence. Si ça arrive, j'aimerais qu'Atys sache ce que j'ai découvert…
-Heu, ça a l'air dangereux ? J'ai un bon gourdin sous mon bar, mais je tiens à ce que mon établissement reste entier.
-Ne te fais pas de souci, je te demande juste de faire le messager si ça se corse. Je vais venir… disons, tous les Holeths. De temps à autre, je laisserai avec un pourboire un cube d'ambre ou un parchemin. Disons…”
Laofa regarde la configuration du bar.
-Voilà, si je m'installe à l'étage… Là, il y a un petit recoin où je peux laisser quelque chose discrètement. Tu sauras qu'il faut regarder au moment du ménage parce que je te laisserai un pourboire de dix-sept dappers précisément. Quand il y a plus en pourboire, tu prends sans te poser de questions ! Sinon, tu récupères ce que je t’ai laissé, tu le cales dans un coin discret, genre derrière un tonneau dans la cave, comme tu veux… T'aurais pas un tonnelet vide ? Ce serait parfait comme boîte postale.
-Ça peut se trouver… Il y en a toujours des vieux qui traînent, dont l'étanchéité n'est plus bonne.
-Parfait. Peut-être que tout se passera bien… Mais si un Holeth, tu ne me vois pas arriver, alors tu attends… trois jours, et tu iras livrer à Zorroargh, à Fairhaven, cinq tonneaux de bière d'Ocyx. Sauf qu'un des tonneaux sera celui où sont stockées mes informations. Si je ne viens pas, c'est que j'ai un souci. Mettons trois jours histoire de ne pas paniquer pour rien.
-Ça m'a l'air compliqué. Et qu'est-ce que j'y gagne ?
-Déjà, je te règle de suite les cinq tonneaux, même si je ne les bois jamais. Sachant qu'en plus l'un est vide. Ensuite, je vais venir régulièrement ici, pas seulement les Holeths. Le but est que mon passage ne semble pas suspect. Et puis j'aime bien ton bar. Bref, ne t'inquiète pas, je vais payer mes consommations, ça va te rapporter ! Pour le reste, dis-moi ton prix… je ne suis pas riche mais ce travail est vraiment important.
-Et c'est quoi comme travail ?
-Ha, hélas, tu en sais déjà beaucoup… Mais sois sûr d'une chose : tout Atys le saura quand les recherches seront finies.“
Ils se mirent d'accord sur un prix, puis Laofa rajouta :
“Bien, et maintenant, oublions tout ça… je ne suis qu'une cliente qui aime ta bière, tu n'es qu'un barman qui fait son travail. Personne ne doit savoir notre arrangement. Même pas tes compagnes ou Zorroargh. C'est juste entre toi et moi, tant que je viens tous les Holeths.”
Laofa sourit.
Plus tard, elle mit en place un code pour écrire dans ses carnets, et en fit quelques copies, qu'elle laissa à deux homins. Deux personnes seulement qui pourraient décrypter les informations… Mais mieux valait éviter de prendre trop de risques. Moins il y avait de monde au courant, plus le système serait efficace.