Cela faisait bien longtemps que Mazé'Yum n’était pas retourné voir sa tribu. Les gardes levèrent leurs armes à son approche, avant que l’un d’eux s’approche et s’écrie :
— Hey, mais c’est toi, Maz ? Tu as déjà fini tes recherches ?
— Salut Jin. Non, mais je viens chercher la civilisation. Je dépéris au milieu de ces barbares.
Le garde éclata de rire, et invita le zoraï à le suivre près d’un des feux de camp.
— Alors, raconte, demanda Jin. C’est comment là-bas ?
— Crasseux, désordonné et minable. Ils ne pensent qu’à se battre. Je comprends pourquoi l’antekami est resté là-bas si longtemps, il devait s’y sentir chez lui.
— Avec moins de goo.
— Oui, ça, ils n’y touchent pas trop. Sauf peut-être le Clan de la Sève Noire, et encore, uniquement bien diluée dans leurs drogues.
— Tu as pu te procurer la recette ?
— Non, mais c’est sans grand intérêt à mon avis. Les effets ressemblent à la potion DZ-156, avec moins d’effets secondaires hallucinatoires et une plus grande durée de résistance à l’effort et à la douleur. Et une sacrée dépendance au produit, aussi ; ils ont dû abuser sur la racine de slaveni, mais ça sert les intérêts de leurs chefs.
— On pourrait la reproduire et la revendre…
— La DY-253 est déjà bien assez bonne, mais si tu en veux, tu peux venir avec moi et signer dans leur clan !
— Non non, c’est juste que je trouve étrange que ça ne te passionne pas plus que ça.
— J’en suis à un stade où je suis las. Leurs rodomontades permanentes, à tous… Et vas-y que je roule des mécaniques, que je joue des amplis… Tout ça pour quoi ? Leur cause est moribonde, ils ne s’intéressent pas à la technologie des Anciennes Terres, et les Anciens ne sont de toute façon pas prêts à lâcher la moindre bribe d’information. Tous fous, d’une façon ou d’une autre.
— On dit aussi ça de nous ! L’autre jour, une bande de trykers est venue jusqu’ici… Bon, faut dire qu’on avait emprunté un alchimiste fyros qui se baladait dans leurs lacs ! Tous, l’alchimiste comme les gamins qui le cherchaient, avaient l’air de penser qu’on est des grands méchants.
— Tu vois, c’est ça le souci, Jin. Une mauvaise réputation, qui nous ferme trop de portes. L’alchimiste, j’imagine que ce n’était pas un hasard ? Pas juste un cobaye ?
— Non, non. Ça aurait été intéressant qu’on puisse échanger des informations avec lui. Les fyros ont probablement réussi à avancer sur quelques sujets… Mais il n’a rien voulu raconter. Pire que ça, ils ont tué Mimi en partant.
— Mimi ?
— Une timari qui servait à quelques expériences. Ça faisait un moment qu’elle maturait la goo, les dosages étaient bons, c’était prometteur. Et ces sauvages l’ont tué, avant qu’elle ait pu aller au bout…
— Ah, certes, c'est regrettable.
— Bon du coup, tu abandonnes les marauds ?
— Non, je vais y retourner. On ne sait jamais. Au moins, j’ai accès à leurs téléporteurs. Ce n’est pas ma branche et je serais bien en peine de comprendre comment ils fonctionnent, mais si jamais… Certains de ces maraudeurs présentent aussi des caractéristiques intéressantes au niveau de leur graine de vie, ce sont des cobayes acceptables pour certaines expériences.
— Si tu le dis. Bon, le chef va vouloir te voir.
Mazé'Yum crispa son masque :
— Le chef ? Je n’ai rien de formidable à lui annoncer.
— Tant que t’as pas trop d’échecs. Il est d’une humeur de ragus depuis le passage des autres, alors l’embête pas.
Mazé'Yum soupira, puis se releva, époussetant son armure. Jin se moqua, goguenard :
— Les tenues de la tribu ne te plaisaient pas ? On dirait un fanatique de la Théocratie, comme ça.
— Pas la peine d'en rajouter. Je fais avec ce que je trouve ; j’ai déchiré l’autre tenue dans mes voyages. Et cette armure est plus efficace pour le combat que nos habits de recherche.
— Maze'Yum, grand combattant ! Je vais te laisser ma place à la garde et utiliser ton labo, si tu veux échanger !
Le zoraï soupira, ignorant les railleries de son ami. C’est vrai qu’il ne ressemblait à rien. Il avait déjà eu de la chance de trouver des artisans pour cette armure, il n’avait pas fait le difficile sur le style. Mais il aurait dû recoudre la tenue de la tribu avant de revenir. Surtout si le Chef était irritable.
— Jin, tu diras au chef que je repasse.
— Pas la bonne stratégie, Maz…
— D’ici demain. Tu as raison, je ne peux pas me présenter comme ça devant lui…
°°°
Jin et Mazé'Yum sirotaient une boisson de leur fabrication sous la lumière des étoiles. Maz revenait plus régulièrement à présent. Cet endroit paisible du Bosquet de l’Ombre lui avait manqué, comme les suaves odeurs de la goo et des kitins mélangées aux effluves des expérimentations du Cercle.
— Au fait, le surnom que vous m’avez donné, ça a bien plu aux marauds. Du moins ceux qui connaissent le taki.
Jin ricana :
— Tu leur a expliqué l’origine ?
— Non. Je ne suis pas fou.
— Yon « Mazé Yume », cauchemar des yubos…
— J’étais jeune…
— T’étais vraiment pas doué.
— Tu peux parler, tu n’as jamais validé l’examen final.
— Ouais, mais moi, je sais faire de la bambooka à la glande de Najaab !
— Je te laisse le faire pour que tu te rendes utile.
— Ben voyons…