Différences
Ci-dessous, les différences entre deux révisions de la page.
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| ia:20251107_creer_a_lombre_de_lia [07/11/2025 17:47] – supprimée - modification externe (Unknown date) 127.0.0.1 | ia:20251107_creer_a_lombre_de_lia [12/11/2025 17:14] (Version actuelle) – [Créer à l'ombre de l'IA] Zatalyz | ||
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| + | ====== Créer à l' | ||
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| + | Il y a une réflexion qui mûrit doucement en moi, à la confluence de diverses influences. C’est loin d’être encore au point, mais je me dis que de tenter d’écrire ça pourrait m’aider à clarifier, et en tout cas être un jalon sur un chemin. | ||
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| + | Au hasard, pour les dernières influences, mais ce n’est pas exhaustif : | ||
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| + | Je lis donc des gens très intéressants sur le rapport à la création dans ce monde où l’IA s’impose, actant qu’il est possible, avec un prompt, de “créer” divers trucs autrefois réservés aux artistes (textes, illustrations, | ||
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| + | Quant à ce qui suit ici, ce n’est pas une réponse, d’autant que ça m’étonnerait qu’un seul d’entre eux se perde ici. C’est juste que leurs réflexions ont, entre autres, alimenté quelque chose que j’ai à présent besoin de poser, que je ne lis quasiment nulle part. Un caillou un peu différent dans les cairns qui s’élèvent. | ||
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| + | Notez aussi qu’un prérequis pour lire la suite va être de lire ou voir la superbe [[https:// | ||
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| + | Enfin, pour les plus méfiants d’entre vous, je précise que les mots de ce texte sont les miens, pas ceux d’une machine((Ça se voit : c’est bien trop foutraque.)). Je vais quand même essayer de faire passer ça à Grammalecte avant de publier, histoire de ne pas trop piétiner le français académique((Juste ce qu’il faut pour ne pas paraître trop allégeante à l’Académie Française ! Les accords de genre chaotiques sont par exemple un choix de ma part.)). | ||
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| + | ===== Le besoin de créer ===== | ||
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| + | Ces temps-ci, je vais bien, donc je crée. Beaucoup. Ça ne se voit pas, vu que je ne publie pas plus, mais je vous l’affirme : | ||
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| + | Ok, parfois je vais mal, donc je crée. Est-ce que les raisons d’être “bien” sont plus grandes que d’habitude ? | ||
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| + | Dans mon cas, l’acte de création passe principalement par le média de l’écriture : | ||
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| + | Je me suis longtemps abstenu d’écrire, | ||
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| + | Car oui, écrire est avant tout ma drogue première. J’écris parce que j’ai une fichue pulsion à exorciser dans cet acte. Il y a bien des fois où j’ai passé une soirée, parfois plusieurs jours, sur un récit, mettant en suspens mon sommeil, me couchant bien trop tard, faisant le zombi le reste de ma journée, toute entière tendue vers les prochains mots que je pourrais poser. Le tout pour laisser ça, inachevé, dans un coin, pour parfois l’oublier et le perdre. Il y a tous ces moments, aussi, où je ne peux pas écrire, mais comme toute droguée qui (ne) se respecte (pas), j’y pense, je joue l’acte dans ma tête, je me fais le scénario, je peaufine chaque mot… Combien d’histoires, | ||
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| + | Avec l’IA, divers créateurs (dont des écrivains) partagent leurs remises en question sur leur rapport à la création. En les lisant, je me rends compte du gouffre qui me sépare de leur monde, ce qui explique aussi que mon rapport à l’IA est… ambivalent aussi, mais pas sur les mêmes points. Ce qui est génial, c’est qu’en les lisant, je me sens de plus en plus tranquille dans ma pratique de droguée. Là où l’IA amène, pour certains, des angoisses de disparition, | ||
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| + | ===== Créer est un privilège ===== | ||
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| + | J’ai toujours considéré que vivre de la création était un truc de privilégié. Plus la création était “pure” et reconnue, c’est-à-dire éloignée des commandes et du marketing mais validé par un grand nombre de personnes, plus il fallait avoir un foutu statut de privilégié. Je le dis avec d’autant plus de conviction que je viens et je vis dans un milieu composé de nombreux écrivains et de quelques autres artistes((J’ai un peu moins de musicos et de graphistes dans mon entourage que de scribouilleurs, | ||
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| + | Quand une classe a des privilèges, | ||
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| + | Mais ce qu’on refuse de voir, c’est qu’en réalité, la très grande majorité des humains sont des créateurs, des artistes, et que seuls une très petite minorité pourra transformer ce besoin primaire en acte concret, et qu’une partie encore plus infime en recevra une quelconque reconnaissance de la part d’une communauté. | ||
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| + | Créer est un privilège. Point. Et ouais, je pourrais écrire une tartine sur le sujet, et je le ferais si ça intéresse quelqu’un, | ||
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| + | Ces privilèges (“créer”, | ||
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| + | Le prix, pour ce privilège de “savoir créer”, étant donc que le besoin de le faire reste profondément présent, pas complètement étouffé par la conformation à une attente sociale qui, pour certaines, est sacrément plus violente. Et pourtant… C’est un des rares privilèges que j’ai eus, parce que le reste s’est heurté aux divers soucis systémiques qui font la différence entre un auteur à succès et une paumée dans mon genre. | ||
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| + | Je pourrais écrire « cinquante bonnes raisons de ne pas publier un best-seller, | ||
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| + | Quand toute l’énergie que j’ai, ou presque, est dédiée à la survie, que ce qui reste passe dans le soin aux autres (y compris ceux qui s’appuient sur nous pour, eux, être artistes), qu’il faut voler des heures pour pratiquer un art, tout en sachant que ce travail ne sera jamais reconnu parce qu’il me manque les mille choses qui n’ont pas de rapport avec le talent mais tout avec la naissance((Au hasard, le bon réseau, du pognon, et une biroute ; liste non exhaustive. On peut y arriver sans un ou deux de ces trucs, mais moins y'en a, plus ça devient compromis.))… Y'a un peu de quoi déprimer. Il reste à se convaincre qu’il faut grandir, et arrêter de perdre du temps à écrire. Je n’ai jamais cessé de raconter des histoires dans un creux de mon être, berçant mes personae((Si vous n’aviez pas encore compris, “je” suis un être multiple ; nous le vivons bien. Ce n’est pas toujours un souci d’être plusieurs dans une seule tête, même si cela a quelques impacts sur le quotidien. Les usages de “je”, “nous”, et “on” ne sont pas toujours anodins.)) de ces vies que nous ne pouvions vivre, laissant cependant sur le devant de la scène la persona qui sait faire ce qu’il faut pour survivre dans ce monde maudit. | ||
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| + | Les années se sont accumulées, | ||
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| + | ===== Le parallèle de l’esclave ===== | ||
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| + | Dans les gens qui me lisent, il y a quelqu’un qui est devenue non seulement une amie, mais qui est aussi une de mes muses. Elle a énormément contribué à ce que j’ose partager certains de mes textes en public, et je prends toujours ses remarques avec attention. Il arrive aussi que je lui fasse lire des trucs que je n’ose pas mettre en public. Elle m’a un jour fait remarqué que mes récits incluaient souvent des “esclaves”. Il y a un paquet de ces histoires qui ne sont jamais arrivées sur la place publique, mais l' | ||
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| + | Évidement qu’il y a beaucoup d’histoires concernant le rapport à une domination qui semble impossible à surmonter. C’est logique que je parle de personnages cherchant un espace de liberté dans un monde qui ne leur en offre aucun, où iels cherchent comment accéder à une existence, à se libérer ou bien à négocier par rapport à un état de réification totale. | ||
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| + | Est-ce que tout cela ne serait pas le reflet d’une vie entière à chercher comment exister dans les creux, dans les failles, dans l’ombre des ombres ? | ||
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| + | C’est là que je déraille complètement du discours du privilégié et tombe dans les abysses de celles qui doivent se taire et (habituellement) laisser parler les grands hommes. | ||
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| + | Briller sur le devant de la scène ? Je sais bien que c’est fou de l’espérer ; | ||
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| + | Il n’y a peut-être pas de meilleure raison de refuser de publier ce qu’on écrit que la peur d’être soudain exposé à la violence de la foule. Et c’est une peur qu’on ne peut comprendre que si on subit suffisamment d’oppressions. Quand la majorité des interactions avec autrui, et plus particulièrement avec les groupes, nous ont habitués à être invisibilisé ou à prendre des coups (et souvent, les deux à la fois), l’envie de se mettre sur la scène devant plus de gens peut être singulièrement basse. On sait que cela n’a pas grand-chose à voir avec la pertinence ou la qualité de ce qu’on met en place publique : simplement que quoi que ce soit, ça expose à attirer l’attention, | ||
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| + | Je constate, parmi mes collègues de soumission, deux grandes tendances : | ||
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| + | Et pourtant, il y a aussi l’envie de ces moments de communions. Y compris, bien sûr, entre lectrice et créatrice. Combien de récits ai-je lu, qui m’ont bouleversé, | ||
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| + | En lisant mes textes, dans un élan très narcissique, | ||
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| + | Une part de moi est outrée de l’égoïsme qui me pousse à ne pas partager, de cette peur qui me force à rester dans l’ombre. Peu importe que ce soit mauvais pour quasiment tout le monde : si une seule personne a trouvé “quelque chose” dans ce que j’ai créé, alors l’œuvre aura gagné son droit à l’existence. Or, je le sais, ce que je crée trouve sa résonance chez certaines. C’est suffisant en soi. Ce n’est pas la complaisance des proches de longue date (il est d’ailleurs rare que je leur partage mes textes, ou qu'ils me disent s’ils ont lu ce que je met en public), mais ce sont des amitiés qui naissent aussi de mes partages, ce qui est, au fond, la seule reconnaissance qui m’importe. Quand quelqu’un que je ne connais pas me dit qu’il a lu l’un de mes textes, et qu’il a en éprouvé “quelque chose”, alors je sais que j’ai participé au monde. Et ça me rend terriblement heureuse. | ||
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| + | ===== Comment l’IA ne détruit que les illusions de certains, et comment le capitalisme continue sur sa lancée sans frémir ===== | ||
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| + | Pour en revenir à l’IA et au capitalisme… L’IA, en tant que produit capitaliste, | ||
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| + | Mais qui sait le nom de toutes les petites mains qui ont broyé les couleurs ? Le nom de celles qui ont nourri le grand homme et ses assistants ? | ||
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| + | Hier comme aujourd’hui, | ||
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| + | Aujourd’hui, | ||
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| + | Vais-je pleurer la perte des grands hommes au passage ? Honnêtement, | ||
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| + | Cependant, que me reste-t-il alors, à moi qui écris, qui crée, qui n’osait pas espérer que le système la reconnaisse, | ||
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| + | Cette fois c’est bon : je n’ai aucune chance qu’un de mes textes soit sélectionné par un éditeur, voir (haha) payé((Rares sont les écrivains à être payés, cf le [[https:// | ||
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| + | J’écris seule. J’écris avec les LLM((Là, je parle bien de l’outil.)). J’écris. C’est tout ce qui compte. Je ne me sens pas un instant menacée par l’outil, et je m’en passe aussi très bien. C’est parfois intéressant comme expérience, | ||
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| + | Contrairement à certains, je ne pense pas que l’IA va « tuer la créativité ». Nous avons trop besoin, en tant qu’humain, | ||
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| + | Le privilège de vivre de son art est en passe d’être aboli. Celui de pouvoir créer… ça, je me le garde pour un autre article, c’est un autre sujet. | ||
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| + | J’entends cependant les cris des patriarches artistes : « oui, mais j’ai besoin de manger, et si je ne peux plus gagner d’argent avec mon travail… » | ||
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| + | ===== Première fois ? ===== | ||
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| + | Bienvenue au club. Bienvenue dans toute cette partie de l’humanité qui, depuis quelques centaines d’années au moins, plie le cou sous l’esclavagisme du capitalisme, | ||
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| + | Je n’ai pas envie d’entendre quelque chose comme « oui, mais tu fais des raccourcis, là… ». Il y a effectivement un monde entre perdre l’accès à des sources de revenus, et ne jamais avoir pu accéder à une vie décente. Cependant, le problème de base, c’est tout le système de domination, et c’est de ça dont il est question, à chaque échelon. C’est un sujet qui m’a occupé toute ma vie, que j’explore intensément dans mes récits, traquant les mécanismes qui font doucement passer d’un état vaguement inconfortable à un enfer absolu, mais aussi des façons d’en sortir ou de négocier avec. Cela commence au moment où on doit renoncer à quelque chose, non par réel choix, mais contraint par une volonté extérieure. Le mot “volonté” est important. Renoncer à quelque chose parce que ce n’est physiquement pas possible, c’est de l’ordre du « principe de réalité », | ||
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| + | Ce n’est pas amusant. C’est douloureux. Il y a beaucoup de façons de réagir à la douleur, à l’impuissance, | ||
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| + | Il est temps d’oublier que le "// | ||
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| + | C’est violent, et c’est extrêmement difficile de trouver comment survivre. Cela demande une énergie toujours plus grande. Voir l’illusion ne veut pas dire, d’ailleurs, | ||
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| + | L’autre illusion qu’il faut abandonner, quand on se retrouve à voir la corde devant soi, c’est la capacité individuelle à résister. Le mythe du héros qui s’en sort seul est un mythe, l’un de ceux qui fondent d’ailleurs le système de domination. La survie demande de l’énergie, | ||
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| + | Et si jamais, après avoir pris tout ça dans la figure, tu as envie de lutter (et je le souhaite, vraiment, parce qu’il n’y a que comme ça que les choses bougent, même si c’est difficile de trouver l’énergie de le faire quand on tente juste de survivre), s’il te plaît : essaie de le faire non pas pour reconquérir //tes// privilèges, | ||
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| + | Des vêtements faciles, des [[https:// | ||
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| + | Je parie que comme beaucoup, le chemin que tu prendras sera cet équilibre instable, entre subir et hurler, entre courber l’échine et se battre. Ça ne sera jamais assez, ni dans un sens, ni dans l’autre, mais a-t-on d’autres options ? | ||
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| + | ===== Mon bonheur ne se soumet pas ===== | ||
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| + | Moi, ma rébellion, elle continuera de passer, en bonne partie, dans l’écriture. Ce sera encore, très souvent, des récits d’esclaves qui font ce qu’elles peuvent. Parfois, des récits d’amitiés pour faire face à l’indicible. Souvent, il y aura de l’amour, malgré l’horreur et l’injustice. Mais, de plus en plus, il y aura aussi en arrière-fond un rire, un rire si intense que certains le trouveront sans doute un peu hystérique. Un rire qui naît de l’effondrement des mondes, du chaos immense, et de la folie enfin acceptée comme une part de mon identité. Une joie qui a peut-être sa source dans l' | ||
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| + | Pour conclure, je vous laisse avec [[https:// | ||
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| + | {{tag>IA Écriture}} | ||
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