Droit d'auteur pour les œuvres hybrides

Certaines œuvres sont hybrides au niveau des droits : une partie est dans le domaine public, une autre soumise au droit d'auteur et/ou à la propriété intellectuelle (marques déposés, etc). Et c'est un sacré bordel.

Je ne prétends pas avoir tout compris, ce qui suit est uniquement des notes sur le sujet que je ne savais pas où caler. Je ne suis pas juriste.

Lovecraft, Derleth et companie

Dans les communs culturels, l'univers de Lovecraft est un de ceux qui me passionne. Mais parce qu'il est récent (plus que les mythes de la Table Ronde), il est parfois assez laborieux de démêler ce qui est librement réutilisable et ce qui ne l'est pas. D'autant que Lovecraft était déjà dans une pratique de type “communs” de son vivant, collaborant avec de nombreux auteurs et faisant référence à leurs créations dans ses propres histoires. Attention, je ne prétends pas qu'il a mis sciement son œuvre dans le domaine public, juste que sa façon d'agir était plus en cohérence avec les notions de communs que de propriété lucrative.

Malheureusement ce n'était pas forcément le cas de ses contemporains. Derleth en particulier, son testamentaire, a énormément influencé le Mythe (l'expression “mythe de Chtulhu est justement de lui), ajoutant de nombreuses choses… mais veillant à protéger tout cela dans les “règles”.

Mais si je reprends l'exemple d'Hastur : bien que le nom soit dans le domaine public, Derleth, par contre, a décrit plus précisément le “personnage”, donc réutiliser Hastur avec les particularités créée par Derleth serait une violation du droit d'auteur. Citer Hastur n'est pas un problème en soi, par contre.

  • Le nom Hastur apparaît pour la première fois dans la nouvelle Haïta the Shepherd (1893) d’Ambrose Bierce. À l’origine, il s’agit d’un dieu bienveillant, sans lien avec l’horreur cosmique.
  • Dans son recueil The King in Yellow (1895), Robert W. Chambers reprend le nom Hastur, sans vraiment le décrire : il est en relation avec Le Roi en Jaune, une pièce de théâtre interdite qui rend fou. Hastur est aussi lié à Carcosa, une ville mystérieuse inspirée de An Inhabitant of Carcosa (Bierce, 1886).
  • Lovecraft mentionne Hastur brièvement dans The Whisperer in Darkness (1930), sans rien en dire de plus.
  • August Derleth fait d’Hastur un Grand Ancien maléfique, adversaire de Cthulhu, dieu du vent et du chaos, associé au Roi en Jaune.

Les divers usages jusque Lovecraft (le lien avec le Roi en Jaune, Carcosa…) restent dans le domaine public ; la rivalité avec Chtulhu, le maléfique dieu du vent et du chaos, par contre, sont des caractéristiques du personnage lié au droit d'auteur de Derleth, et utiliser Hastur avec ces attributs demande un accord des ayants-droits de Derleth (Arkham House ?).

On reste sur une entité assez facile à pister, du moins dans le monde de la création littéraire. Mais cela demande un travail de fou sur chacun des noms évoqué par Lovecraft :

  • Est-ce lui qui est le premier à en parler ?
  • Si non, l'auteur qui en est à l'origine est-il lui aussi dans le domaine public ?
  • Si oui, quels éléments ont été développés par d'autres auteurs, qui tomberaient eux sous la coupe du droit d'auteur ?

Lovecraft était un amoureux des histoires, il faisait régulièrement référence au travail d'autres auteurs dans ses propres histoires. Ce n'était pas un souci puisqu'il s'agissait aussi d'un jeu littéraire avec ses collègues et contemporains (chacun étant d'accord pour y participer), mais cela offre un sacré casse-tête pour les suivants, parce qu'ils n'ont jamais explicitement donné les droits à “n'importe qui” d'utiliser leurs créations.

Ce qui est un argument en faveur des licences libres y compris dans le monde culturel : en faisant ça, on explicite ce que d'autres pourront reprendre (qu'on les connaisse ou non). Et comme Lovecraft, je considère que les histoires nous dépassent et font partie d'un pot commun, où il y a tout à gagner à partager.

Je continue mon pistage des entitées du Mythe, espérant démêler ce que je peux utiliser dans mes propres histoires de ce que je ferais mieux d'éviter.

Cependant, par rapport à d'autres univers, il faut aussi un peu tempérer les inquiétudes : celui-ci est un commun à bien des égards, approprié par nombre de gens dans un esprit bon enfant. Tant qu'on ne reprends pas la création d'un autre “tel quel” mais qu'on en fait quelque chose en y mettant sa vision, c'est plutôt apprécié par les fans des tentacules. Même si je préfère vérifier que je n'empiète pas sur la propriété d'autrui, je sais que je suis dans un milieu où les frontières sont floues et où les “Autres” ne sont pas vraiment méchants : le pire étant surtout leur indifférence !

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apropos/blog/droit_d_auteur_pour_les_œuvres_hybrides.txt · Dernière modification : 24/03/2025 09:16 de Zatalyz