Un Noël ordinaire
Échos entendus entre deux Mondes.
— Ça fait combien de temps que nous ne sommes pas allés à Noël ?
— Je ne sais pas… un éon ou deux… On ne compte plus, à mon âge.
— Ne fais pas l’aigri. Rien ne bouge, tout est mort, on croirait que la vacuité a gagné.
— N’est pas mort ce qui à jamais dort…
— Et si tu ne te réveilles pas, tes adorateurs vont finir par se lasser ! Allez, on se bouge.
[…]
— Dis-moi, ne serions-nous pas déjà passé devant cette étoile ?
— Aucune idée. Je me contente de suivre les indications. “Au pulsar, tournez à gauche”.
— Lequel ?
— Et bien à force de tourner, on finira bien par trouver, non ?
[…]
— Loin de moi l’idée de mettre en doute tes talents de navigateur, mais la prochaine fois que tu t’ennuies, essaie plutôt de trouver le chemin de ta forge, d’accord ? Je ne sais pas où nous sommes, mais ce n’est pas Noël.
— Il y a des endroits pires où arriver.
— Pires, certainement, mais plus ennuyeux, plat et sans intérêt, je ne crois pas. J’aurais dû rester chez moi à compter les âmes. C’était plus passionnant.
— Au lieu de te plaindre, si tu essayais de faire quelque chose ?
[…]
— Et voilà. Suffisait de demander.
— Déplacer l’univers juste pour te retrouver au bon endroit manque franchement de finesse.
— Qui le saura, à par nous ? Enfin, sauf si tu comptes parler…
— Ne me regarde pas comme ça. J’aurais bien trop honte d’avouer que je traine avec quelqu’un dans ton genre, capable d’actes aussi pitoyables.
— Après Noël, je te propose qu’on aille faire un tour aux Confins, que je t’apprenne la politesse. Et tu ne devras pas avoir trop de mal à trouver, cette fois, c’est tout droit.
[…]
— Bon Moi, que c’est kitsch !
— C’est toi qui as voulu venir. Tu pensais qu’ils allaient redécorer en noir et rouge, juste pour te faire plaisir ?
— Ça pourrait être très classe. D’ailleurs, je crois bien qu’il y a eu une mode, à un moment…
— Ho, pitié, je ne veux pas de ton délire d’ado goth dépressif. Puisqu’on est là, allons voir si ce qu’on sert est toujours aussi bon.
[…]
— Il n’y a pas à dire, ils savent recevoir.
— Moins bon qu’avant.
— Tu as dévoré l’équivalent de quelques galaxies, ça n’a pas eu l’air de te déranger sur le moment.
— Par courtoisie. Mais tu aurais vu ce qu’ils avaient, la dernière fois que je suis venu…
— J’étais avec toi.
— Ha ? Ta compagnie ne m’a pas marqué.
— Tu as fini la soirée avec ma favorite.
— Et bien moi au moins, je t’ai laissé un souvenir impérissable, héhé.
[…]
— Se faire jeter dehors par des lutins. Je crois que je viens de toucher les bas-fonds de l’humiliation.
— Quelle idée aussi de venir là… Et maintenant, on va au royaume des emplumés, ou on retourne dévaster quelques mondes ?