Entretien avec un Maraudeur
Où la genèse du Grand Reportage sur les Maraudeurs prit sa source.
Laofa avait peur des maraudeurs. Laofa n'aimait pas les maraudeurs. Elle savait que c'étaient des psychopathes assoiffés de sang et de souffrance. Elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour les éviter.
Bon, d'accord, elle se disait que potentiellement, il devait y avoir des gens presque bien chez les maraudeurs. C'était possible. Au niveau de la théorie, d'ailleurs, elle disait qu'ils étaient des homins, quand même, donc hein, fallait pas déconner… Oui, si elle tombait sur un maraudeur agonisant, elle le soignerait, acceptant de se recevoir un coup de couteau à peine relevé. Mais ça, ça faisait plus partie d'une sorte de code de l'honneur.
Elle savait aussi que dans la guilde, il y avait des gens qui avaient des copains maraudeurs. Bah, hein, il y avait aussi des Indécis qui la voyaient comme une amie, alors elle était mal placée pour juger les fréquentations des gens, n'est-ce pas ?
Tout allait plutôt bien jusqu'à ce que Bredi retourne soigner sa vieille mère sur Silan. Elle se retrouva alors en charge des enquêtes sur les guildes.
Pas de problème pour interroger kamistes, karavaniers et neutres ; citoyens et apatrides.
Jusqu'à ce qu'on lui rappela les guildes Maraudeuses.
“Heu, Verica peut s'en occuper, non ?” se mit à gémir Laofa.
Son amie trouva peut-être que Laofa essayait un peu facilement de lui refiler le bébé. Si bien que lorsque Verica croisa de nouveau Alric, entre deux bonnes blagues, elle lui déclara :
“Ha, au fait… Laofa va venir t'interroger sur ta guilde !”
Voilà comment Laofa se retrouva, tremblante, à attendre à Yrkanis. Elle avait essayé de rester discrète mais avait fini par recevoir un Izam laconique :
“Demain soir, 22h, Tp d'Yrkanis. Quelqu'un va venir te chercher et t'emmener loin des regards indiscrets.
Alriccio Di Rosa”
Elle regardait les gens arriver par le téléporteur puis vaquer à leurs occupations. À chaque fois, elle les dévisageait avec angoisse : et si c'était lui le contact ? Ou elle ? Puis comme elle était très en avance et que le temps passait, elle finit par s'asseoir.
Une Matisse vint et comme elle, sembla attendre. Laofa la dévisagea discrètement. C'était elle, pas elle ? C'était une très belle homine. Bien du genre d'Alric. Mais Laofa n'imaginait pas aller l'aborder et demander “C'est toi le contact avec les Maraudeurs ?”
Elle n'avait pas d'écusson de guilde, impossible de savoir si c'était une des Hérétiques. Elle ne portait que les galons d'un titre : “Empaleuse”.
Laofa n'aimait pas le hiératisme des Matis, parmi tous les homins ceux dont le ma… le visage était le moins lisible. Elle finit par se décider. Elle se dirigea vers l'homine et avec un petit sourire inquiet, la salua :
“Empaleuse, c'est un titre inquiétant.
-C'est pour me protéger. N'aie pas peur. Je suis douce comme un yubo…. Tant qu'on ne m'ennuie pas.”
Laofa se fit la réflexion que sur les yubos dans son genre, ce genre de déclaration avait toujours un effet certain. Avant qu'elle n'ait pu reculer, la Matis reprit :
“Bon, c'est pas tout ça, mais on m'a confié une mission… N'aie pas peur, je ne te veux aucun mal ! Par contre, je ne sais pas ce que lui te veut.”
Laofa éprouva soudain une folle envie de déchirer un téléporteur pour n'importe où ailleurs. Mais elle se retint.
“Il faut que je le rencontre… Pour un tas de choses…
-Justement… L'endroit où je t'emmène est secret.
-Les Indécis ne choisissent pas, mais savent tenir leur langue et fermer les yeux. Je ne dirai rien.”
La Matisse sortit un bandeau de sa poche. Laofa hocha le masque et se banda les yeux. Sa guide prenait soin de la guider avec douceur, évitant les obstacles du chemin ; pourtant, Laofa sentait son angoisse augmenter. Elle ressentit enfin la sensation familière des mini-téléporteurs des appartements. Puis la Matisse lui enleva le bandeau.
Laofa se sentit vraiment glacée en découvrant qu'elle était dans l'appartement du Maraudeur. Il était là, nonchalant et torse nu, la regardant avec méfiance : derrière lui, une Fyrette dans une tenue très dénudée, dans une position soumise. Entre Laofa et le tel-ascenseur, il y avait la Matisse qui l'avait amenée. Elle se sentait un peu prise au piège.
Laofa salua Alric, en essayant d'être aussi neutre que possible. Elle prit son courage à deux mains. C'était son premier “vrai” contact avec un Maraudeur, en fait. La première rencontre officielle, avec un but. Il s'agissait de ne pas louper son coup. Mais tandis que la conversation avançait, Laofa n'arrivait pas à contrôler sa peur et sa méfiance ; Alric en profitait pour en rajouter. Il fallait passer aux questions officielles, s'y tenir et se sauver de là le plus vite possible.
“Je… je sais que Verica t'as parlé du travail que font les Indécis pour en apprendre plus sur les guildes… commenca-t-elle. Est-ce que tu accepterais de me parler des Hérétiques ? Et de me laisser leur envoyer mon testament en même temps ?”
Alric ne répondit pas, se contentant de regarder la Zoraïe d'un air froid. Laofa précisa en balbutiant :
“L'interview est le seul document qui leur soit vraiment utile…
-Ça ne servirait à rien.
-Pourquoi ?
-La Guilde doit disparaître dans quelques temps, son objectif a été rempli. Une autre verra le jour.
-Votre guilde a pourtant un certain… prestige. Dans son genre.
-Exact. Néanmoins… Le genre de prestige qu'on porte rebute certaines personnes à nous rejoindre.
-Toujours est-il que nous n'avons pas assez d'informations sur les maraudeurs pour les conseiller, ou non, aux réfugiés qui nous rejoignent… Et… je préfère quand même discuter avec toi qu'avec d'autres plus… brutaux.”
Alric émit un petit ricanement et lança un regard à la Matisse qui avait emmené Laofa.
“Tu entends belle Roryana ? Je ne suis pas si brutal… Bien, je demanderai à mes confrères si cela les intéressera… Il te faudra attendre la création de notre prochaine Guilde pour recevoir une réponse.”
Laofa se dit qu'elle n'est pas rendue. C'était plus simple avec les guildes des Nations. Elle essaya quand même d'en apprendre davantage :
“Bien… J'attendrai alors. Mais qu'est-ce qui ternit l'image de votre guilde, en réalité ? Vous êtes bien associés aux Maraudeurs, non ? Je ne suis pas sûre de comprendre…
-Rory pourra sûrement y répondre vu qu'elle ne veut pas venir à cause de ça.”
Laofa se retourne vers Roryana, qui lui déclara :
“Bon… Ils assassinent sans distinction et sans raison. Leurs méthodes ne sont pas ce qu'il y a de plus honorables. Enfin, leur suprématie au combat fait des jaloux puisqu'ils ne se privent pas de rabaisser les Faibles.
-Vous voulez faire une guilde de Maraudeurs avec un sens de l'honneur ? leur demanda Laofa avec surprise. Quand aux jaloux, il y en aura toujours…
-Tu verras bien comment sera notre Clan, lui répondit Alric.
-Yui…
-Assez répondu, j'ai des envies qui commencent à venir… Melada !”
La Fyrette à l'arrière-plan releva les yeux, regardant son maître avec un sourire charmant.
“Raccompagne-la et veille à ses futurs agissements dorénavant. Ta vie en dépendra ou je te renverrai chez les Esclavagistes.”
Laofa vit Melada trembler de peur. Un frisson lui parcourut l'échine en comprenant le statut de l'homine. Elle se laissa raccompagner sans faire d'histoire.
Une fois au pied de l'immeuble, Laofa osa demander à l'homine :
“Melada… Qu'est-ce que ça veut dire, veiller à mes agissements ? Je ne veux pas causer d'ennuis… À personne.”
L'esclave lui jeta un drôle de regard.
“Ser Alric prend soin de garder un œil sur les Homins intéressants…
-Ha ha ! l'interrompit Laofa nerveusement. Ça va alors, ça ne me concerne pas…”
Melada continua :
“Ceux qui sont susceptibles de lui causer du tort ou du bonheur. Et vous appartenez à la 1ere catégorie.”
Laofa resta estomaquée. Elle chercha une échappatoire :
“Hum… et ni l'un ni l'autre c'est possible ?”
Melada éluda la réponse avec un sourire charmeur :
“Donc, je serai là pour veiller à ce que vous restiez raisonnable. Sur ce, je dois aller veiller à son plaisir.
-Et bien… Bon amusement alors…
-Pardonnez-moi et passez une bonne journée.”
Melada s'éloigna. Laofa lui souffla alors :
“Bonne chance…”
Elle repartit, tremblante. Elle mit un petit moment à se rendre compte qu'ils ne lui avaient pas bandé les yeux pour le retour… Bah, pour ce que ça changeait… Elle n'avait pas l'intention de partager cette information. Tremblante, elle déchira un Pacte pour un endroit où elle était sûre d'être tranquille. Elle savait qu'elle avait peu de temps pour prendre quelques précautions avant que sa surveillance ne devienne trop efficace…