Lettre VIII: Les deux masques de la folie
Je m’interrogeais l’autre jour sur cette étrange notion qu'est le bonheur. Je t’ai déjà fait part de ma théorie sur la raison de l’existence de la souffrance. Comme quoi c’est un indice invisible qui nous pousse vers le changement. Je me suis demandé par la suite ce que pouvait bien être le bonheur. Est-il tangible? Se mesure t’il? Est-il comparable? J’ai cette impression que le bonheur est de la même nature que la souffrance mais que son rôle est son opposé, celui de nous montrer que nous sommes à notre juste place.
Mais est-ce que cela veut dire que ne pas le ressentir en permanence est synonyme d’égarement? Je ne pense pas. Je me dis que sa présence perpétuelle, comme la présence constante de la souffrance nous mènerait à la folie. Différente, mais la folie tout de même. Le bonheur absolu nous couperait de tout ce qui n'y participe pas. Nous passerions à côté de leçons, de moments et de gens importants, parce qu’ils ne contribueraient pas directement à cet océan de béatitude. L’ivresse fait perdre pied et mène à l'aliénation. Je pense que c’est pour cela que la vie nous en apporte avec modération. Je me suis remémoré les instants ou j’ai ressenti du bonheur et je me suis rendue compte que parfois cette même chose m’apporte aussi par moment de la souffrance. N’est-ce pas curieux, même paradoxal?
Et c’est là que je me dis que les choses sont vivantes, en mouvance perpétuelle et que rien n’est immuable. Le changement et l’instabilité sont inquiétants et vertigineux mais c’est l’ordre naturel des choses. Je pense que c’est Ma’duk qui nous murmure à l’oreille et qui nous pousse vers la lumière, comme un tuteur qui guide les jeunes pousses pour qu’elles grandissent. Un peu d’eau, un peu de soleil. Nous aimerions n’avoir que du soleil sans se douter que la sécheresse nous guette. Nous craignons la colère de l’orage qui se révèle salvateur au final.
J'ai compris avec le temps, qu'il est possible de créer le bonheur, pour soi et pour les autres. Je cherche souvent comment te l'apporter, mais pour une raison qui m'échappe, chaque fois que j'essaie, j'appelle la souffrance. C'est comme si je me mettais à hurler alors que j'essaie de chanter. Et tu hurles avec moi…et nous hurlons ensemble.
Que nous arrive t'il?
Mata yumé Fleur Blanche,
Yétin du Vide.