Crame le patriarcat

C'est un peu violent, dit comme ça. Mais le patriarcat est violent.

Faudra que je mette ce genre de ressource sur un site dédié à l'occasion. En attendant…

Problématique

Le patriarcat est une culture, largement représentée sur l'ensemble de la planète. Il fonde le capitalisme, l'oppression systémique et la négation des particularités individuelles. Il apporte des privilèges importants à une minorité, tout en rendant maboule le reste du monde. “La moitié des humains c'est pas une minorité” pourraient rétorquer certains. Mais en fait c'est moins que ça, car le patriarcat renforçant fortement les valeurs de domination, une grosse partie des assignés hommes souffrent aussi des effets du patriarcat. J'vous garde ça pour une sous-partie, mais le point important est : on a toutes et tous à gagner en dépassant cette fichue culture de mouise. Enfin, sauf les personnes savourant le plus l'oppression, mais qui a envie de faire preuve d'empathie pour ces sociopathes ?

Questionnaire d'auto-évaluation pour les groupes

Ce questionnaire est destiné à identifier et à comprendre les aspects potentiellement patriarcaux des groupes dont on fait partie. Il est plutôt orienté vers les structures qui ont déjà entamé un travail de déconstruction. Il n’a pas pour but de juger mais de fournir un outil de réflexion pour favoriser l’égalité et l’inclusion de toutes et tous.

Pour qu'il puisse donner une image fiable du groupe, il devrait idéalement être rempli par plusieurs membres de l’association, à tous les niveaux hiérarchiques, afin d’obtenir un panorama diversifié, et que chacun réponde de manière honnête et détaillée.

Par ailleurs, gardez à l'esprit que des biais sont à l'œuvre dans les réponses. Les personnes qui bénéficient de la culture patriarcale ont souvent le biais de croire qu'ils favorisent l'inclusion et la prise de parole des minorités, qu'ils laissent tout le monde parler librement et qu'ils ne reproduisent pas les stéréotypes, sans se rendre compte de tout ce qu'ils font à l'encontre de cela. Il y a parfois un gouffre entre ce qui est dit, et ce qui est fait, d'autant plus grand dans les milieux qui se pensent “sensibles” à ces questions.

Attention, pointer les biais peut engendrer des conflits liés à la dissonnance cognitive, et pousser une partie du groupe à renforcer ses pratiques patriarcales (par exemple en refusant de “perdre du temps à s'occuper de ces histoires”).

Enfin, il sera beaucoup plus complexe d'avoir un résultat utilisable si la majorité du groupe est constitué d'hommes cis, ou de personnes ayant intégré les valeurs patriarcales. La réponse non biaisée à certaines questions demande que l'avis des femmes (en particulier) puisse s'exprimer et être entendue.

Les questions préfixées par [F] signalent des possibilités d'avoir du “fait”, quelque chose de mesurable et objectif. Les questions préfixées par [B] sont plus susceptibles que d'autres d'avoir des réponses biaisées

Composition et représentation des genres :

  • [F] Quelle est la répartition des genres dans les postes de décision (conseil d'administration, direction, coordinations, etc.) ?
  • [B] Les femmes et les personnes issues de minorités de genre ont-elles les mêmes opportunités d’accéder aux postes de décisions que leurs homologues masculins ?
  • Lors des discussions de groupe, y a-t-il une tendance à ce que les hommes prennent plus souvent la parole ou dominent la conversation ?
  • Avez-vous des exemples de rôles ou de tâches qui semblent être assignés en fonction du genre (ex. les femmes gérant la communication et les hommes les aspects techniques) ?
  • Avez-vous observé des comportements ou attitudes valorisant les stéréotypes de genre traditionnels ? Si oui, lesquels ?
  • [F] Quelle est la proportion d'hommes, de femmes et d'autres au sein du groupe ?

Prise de parole et de décision :

  • [B] Comment les décisions importantes sont-elles prises ? Les contributions de toutes et tous sont-elles prises en compte de manière équitable ?
  • Y a-t-il des procédures pour s'assurer que chaque voix est entendue, en particulier celles des femmes et des minorités de genre ?
  • [B] Les femmes ou les personnes de genre minoritaire sont-elles fréquemment interrompues ou voient-elles leurs idées attribuées à d’autres personnes ?

Division du Travail et Charge Mentale

  • Observez-vous une égalité dans la répartition de la parole durant les réunions ?
  • Des efforts sont-ils faits pour inclure les voix sous-représentées ?
  • L’association prend-elle en compte l’impact des réunions tardives ou des horaires exigeants sur les membres ayant des responsabilités familiales ?

Division du travail, charge mentale, moyens alloués :

  • Les ressources (financières, matérielles, humaines) sont-elles allouées de manière équitable, en tenant compte des besoins spécifiques de chacun(e) ?
  • Est-ce que les mêmes ressources sont attribués aux domaines privilégiés par les hommes (représentation, aspects techniques) et à ceux attribués aux femmes (organisation, soin au groupe et aux individus) ?
  • Avez-vous constaté que certaines personnes (souvent des femmes) se voient confier de manière disproportionnée des tâches de soutien ou organisationnelles ?
  • La question de la charge mentale (gestion de la logistique, organisation des tâches de fond, etc.) a-t-elle été abordée dans votre association ?
  • [F] Faites la liste des membres de votre groupe, et attribuez à chacun le ou les domaines où il excelle ET où il agit. La répartition est-elle genrée ?
    • Avez-vous du mal à attribuer des domaines à certaines personnes ? Si oui, quel est leur genre ?
  • [B] Les tâches sont-elles réparties de manière équitable entre tous les membres, quel que soit leur genre ?
    • [F] Par exemple, des tâches comme la prise de notes, l’organisation des réunions, etc., sont-elles assignées à certaines personnes, ou prise en charge “d'elles-même”, de manière systématique ?

Gestion des plaintes et problèmes

  • Avez-vous un mécanisme clair et accessible pour signaler les comportements sexistes, les discriminations ou les abus ?
  • [B] Les personnes victimes ou témoins de comportements sexistes se sentent-elles en sécurité pour en parler ?
  • Y a-t-il des actions concrètes qui ont été mises en place pour traiter les comportements sexistes signalés dans le passé ?

Culture d’inclusion et égalité, formation et sensibilisation

  • [F] Votre association dispose-t-elle de politiques écrites et de principes clairs en faveur de l’égalité des genres ?
  • [F] Avez-vous mis en place des initiatives pour sensibiliser l’équipe aux questions de genre (ex. formations, discussions, ressources) ? Lesquelles ?
  • Quels efforts votre association fait-elle pour promouvoir un climat de travail inclusif pour tous les genres ?
  • [F] Les membres de votre association ont-ils accès à des formations sur les questions de genre, le sexisme et l’égalité ?
  • [F] Ces formations sont-elles obligatoires ou recommandées pour tous les membres, en particulier pour ceux en position de responsabilité ?
  • Quel suivi ou quelle évaluation est faite pour vérifier l’impact de ces formations ?
  • Avez-vous déjà réalisé un diagnostic ou une enquête interne pour évaluer les dynamiques de genre au sein de votre association ?
  • Quelles mesures concrètes votre association a-t-elle mises en place pour réduire les dynamiques patriarcales et promouvoir une culture égalitaire ?
  • Des discussions régulières sur ces sujets sont-elles encouragées et incluses dans le fonctionnement de votre association ?

Outils complémentaires

La plus grosse difficulté étant de prendre conscience des biais à l'œuvre, diverses pratiques peuvent aider à les pointer, puis à décider collectivement qu'en faire.

Il ne s'agit pas d'adhérer à une religion : une fois les biais pointés, à chaque groupe et à chaque individu dans le groupe de décider ce qui en sera fait. C'est différent d'avoir des personnes assignées à des rôles “parque que c'est comme ça”, et d'assumer que certains rôles sont plus faciles à remplir par rapport à l'éducation genrée qu'on a eu. Dans le second cas, cela laisse aussi la possibilité aux personnes n'ayant pas eu cette éducation de s'autonomiser sur ces questions (par exemple les femmes qui veulent travailler leur prise de parole en public, les hommes qui veulent participer au soin du groupe).

  • Analyser la répartition de la parole. Manuellement ou avec l'aide d'applications, faire la liste des personnes présentes et chronométrer leurs prises de paroles, puis établir le total pour chacune. Même dans des groupes qui se perçoivent comme inclusifs, les chiffres peuvent montrer une réalité très différente du ressenti.
    • N'essayez même pas de rationnaliser avec des arguments du type “oui mais Untel c'est normal qu'il parle plus, c'est le chef”. Et : c'est un homme.
  • Mettre en place des règles de prise de parole favorisant l'expression de toutes et tous.
    • Par exemple un tour de parole structuré et minuté. Attention, cependant, car cela peut aussi se révéler terriblement angoissant pour les personnes qui ont pris l'habitude “de se la fermer”.
    • Avoir un ou une observateurice de parole qui note les interruptions, les différences dans le temps de parole, etc. Et qui fera un retour en fin de réunion sur les points à améliorer et ceux où il y a eu de l'évolution.
  • Faire des audits internes anonymes. La pression du groupe peut empêcher certaines personnes de s'exprimer, l'anonymat peut aider à ce que certaines choses soient dites.
  • Formations :
    • À l'écoute active
    • À l'empathie
    • Sur les biais inconscients
    • Sur la masculinité et le patriarcat
    • Sur la déconstruction des stéréotypes de genre
    • Aux modèles alternatifs de masculinité
    • À la prise de confiance pour les personnes minorisés
  • Faire appel à un regard extérieur, formé à repérer les biais et anayser les dynamiques de groupes.
  • Groupes et bilan : des feedbacks collectifs réguliers permettent d'ajuster les comportements, à condition qu'ils soient bien gérés (animateurice désamorçant les tensions potentielles ou facilitant leur expression).

Dans les exercices utiles :

  • Reformulation, où les participants doivent répéter ce qu’ils ont compris des expériences des autres.
  • Auto-évaluations sur les biais de genre : « Ai-je tendance à parler plus que les autres ? », « Suis-je parfois en train d’interrompre ? » etc.
  • Rôle inversé, où chacun essaie de vivre l’expérience d’autrui.

 Ce texte est placé sous licence CC0

CC Attribution-Noncommercial-Share Alike 4.0 International Driven by DokuWiki
pratique/divers/crame_patriarcat.txt · Dernière modification : 02/11/2024 09:11 de Zatalyz