Le Tour des Capitales
Où l'on rentre enfin dans un peu d'action. Comment les Indécis traversèrent le monde et survécurent.
A l’entrée de Fairhaven, un petit groupe attendait déjà en trépignant. Laofa remarqua cependant qu’elle n’était pas la dernière arrivée. Mais elle ne s’attendait pas non plus à ce qu’autant de gens les rejoignent dans les minutes qui suivirent.
Cyvos était le plus impatient du groupe.
“JE VEUX VOIR ZORA!” beuglait-il à intervalle régulier.
“Moi aussi, moi aussi !” pépiait Laofa.
Illicite et Elanira se couraient après sur le bord de la plage, incapables de tenir en place. Verica, Cheetah et Kaewa, plus sagement, étaient assis en rond et discutaient tranquillement de la route à suivre.
C’était aujourd’hui que les Indécis et quelques amis se lançaient dans le tour du monde. Enfin, on avait surtout prévu de rejoindre Zora et Pyr… Mais ça faisait une sacré trotte dans des régions pas toujours sympathiques.
Laofa se rendit compte que son sac à dos était plein des restes de sa dernière chasse : zolies plumes et carapaces irisées. Elle fit un premier aller-retour jusque chez elle pour déposer le surplus. Puis qu’elle avait oublié de prendre quelques affaires essentielles. Elle fit un deuxième aller-retour. À ce moment, elle se demanda si elle avait bien nourri le yubo avant de partir. Ce fut son troisième aller-retour. Jusqu’à ce qu’elle se rende compte que ses amplificateurs menaçaient de mourir. De toute façon, depuis quelques temps ils crachouillaient quand elle lançait des sorts un peu puissants. En gémissant, elle accomplit un quatrième aller-retour pour aller acheter un premier prix chez le marchand. Elle contempla son achat d’un air dubitatif : il y avait encore des artisans capables d’un travail aussi bâclé ? Mais elle n’avait pas le niveau pour faire mieux… Ni la matière première. Cheetah vit son air désespéré et sortit une paire neuve de son sac. De beaux amplis bien faits…
Verica avait regardé d’un œil amusé le stress de son amie zoraï monter. Elle savait que cette dernière était à la fois terrifiée et surexcitée à l’idée de traverser les Primes Racines.
Bredi arriva enfin, bon dernier, un peu essoufflé :
“Désolé, j’étais à la zone de forage… Pas vu le temps passer.”
“ZORA !!!” cria Cyvos, avant de serrer amicalement le Tryker dans ses bras en guise de bienvenue.
Et l’équipe se mit en route, chantant de vieilles chansons d’aventures en fendant les eaux bleues du lagon.
Illicite et Cheetah, leurs deux guides, comparaient les mérites des divers trajets. Enfin, on arriva à la région des Plages d’Abondance.
“Abondance de monstres, oui, marmonna Laofa.”
Le chemin commençait à se corser. Malgré les tentatives du groupe pour passer inaperçu, il y eu moult combats épiques contre les cutes et les torbaks. Sans compter les autres créatures que Laofa n’eut même pas le temps d’identifier, passant une grande partie du trajet à agoniser. Tout le monde s’était mis au soin, même Bredi qui pourtant n’aimait pas trop ça ; mais ici, son épée manquait de mordant pour être vraiment utile… Illicite, Cheetah et Elanira traçaient la route, relevaient les blessés, exhortaient chacun à garder courage. «C’est le plus dur, ici, après, ce sera facile !» disaient-elles. Ils arrivèrent enfin au Vortex. Laofa se sentait déjà bien lessivée, alors qu’ils étaient encore dans la région des Lacs. Mais maintenant qu’on était là, plus question de reculer.
Ils franchirent le Vortex et arrivèrent dans les Primes Racines. Un panneau indiquait “Limites de l’Angoisse.”
“Je ne suis pas aux limites de l’angoisse, moi… Je suis angoissée à mort !” déclara Laofa.
Puis leurs yeux s’habituèrent aux ténèbres qui régnaient ici.
“Hoooo…” firent les jeunes visiteurs.
Le lieu était magnifique. Un peu de lumière descendait de fissures dans les Racines du plafond, mais il faisait sinon un noir d’encre. Cependant, d’étranges plantes phosphorescentes créaient des dessins sublimes dans les airs et sur la pelouse devant eux ; une herbe douce et moelleuse recouvrait le sol. Des animaux bizarres paissaient paisiblement.
Plus loin, les créatures n’étaient plus aussi paisibles. Laofa croisa pour la première fois des Varinx et des Tyranchas. Et des Kitins dans leur milieu d’origine. Ces derniers étaient bien plus impressionnants que leurs cousins de la surface. Mais la Zoraï n’avait pas vraiment le temps d’apprécier : le groupe courait pour éviter l’agressivité des diverses créatures, puis revenait chercher ceux qui étaient tombés, repartait, à toute allure.
Il y avait cependant des moments d’accalmies, comme lorsqu’ils traversèrent une forêt composée d’étranges plantes tintinnabulantes.
“Ça fait comme de la musique…” commenta Bredi.
Laofa arriva même à prendre un luciogramme d’une plaine où d’énormes champignons bleus lumineux poussaient. Juste après, le groupe se fit attaquer par une bande de kirostas et Laofa arrêta d’essayer de prendre des souvenirs pour se concentrer sur ses amplificateurs.
Enfin, le Vortex suivant apparut et le groupe se dépêcha de le traverser.
Cyvos éclata de rire :
“Ha, c’était vraiment sympa !
-Oui, on a survécu !” dit Bredi. Laofa avait rarement vu le Tryker rester sérieux, mais elle le trouvait un peu pâle. Elle-même reprenait juste son souffle et vérifiait si elle était vraiment en vie.
Ils étaient à présent dans la jungle zoraï. C’était tellement différent d’Aeden Aqueous… Même les kamis n’avaient pas la même tête. Et enfin, après quelques minutes de marche tranquille (tout paraissait tranquille après ce qu’ils venaient de traverser), ils arrivèrent à Zora.
“Zora !” s’écria Laofa. Elle resta bouchée-bée devant les constructions monolithiques de la capitale, la simple pureté des lignes et l’ingénieuse façon dont la ville se fondait dans son environnement sans s’y perdre.
“Très zoli…” dit-elle, incapable de trouver les mots pour décrire l’émotion qui la tenaillait. Ainsi, c’était sans doute de là que venaient ses parents biologiques. Elle avait peut-être même de la famille dans le coin. Bien sûr, elle ne pourrait jamais le savoir, mais c’était une sensation bizarre.
“C’est de là que venait ma famille…” dit-elle.
Cyvos dit alors quelque chose qui lui fit bondir le cœur. “Mes parents étaient fyros et matis, ce n’est pas vraiment chez moi ici…”
Quoi ? Un déraciné, comme elle ? Peut-être que le trouble qu’elle ressentait à ses côtés n’était pas dû qu’au fait que c’était un grand et fort Zoraï… Peut-être qu’ils avaient des choses en commun, vraiment… Mais elle n’osa pas rebondir et parler d’elle.
Cheetah devait récupérer un nouveau venu ici. En l’attendant, les amis allèrent se reposer au bar du coin, regardant avec curiosité ce que les marchands du coin proposaient. Il n’y avait pas le temps pour une visite en règle aujourd’hui, mais maintenant que chacun avait des pactes de téléportation, ce serait simple de revenir.
Cheetah revint avec Zaomal, un zoraï qui comme eux, rêvait de découvrir le reste du monde. Leur groupe se remit en marche. Direction : Pyr !
Le voyage qui suivit aurait put être tranquille, si un kirosta n’avait pas surgi brusquement dans le dos de Bredi. On aurait soigné Bredi rapidement, si le kirosta n’avait pas amené tous ses amis. Un instant, Laofa crut que la fin du voyage était là, bêtement. Dans une des régions «tranquilles». Mais Elanira arriva à soigner à temps les guerrières qui étaient tombées et on vint à bout de la meute de kirostas. Sales bêtes.
Ils arrivèrent enfin au désert. C’était magnifique aussi… Tous les paysages d’Atys étaient un ravissement pour les yeux. Là, leur groupe attira les voyageurs des sables, curieux de leur traversée et la troupe qui arriva à Pyr était deux fois plus nombreuse que celle qui était partie de Fairhaven. Des kirostas les taquinèrent un peu mais tout finit bien. Sauf pour les kirostas en question, bien sûr. Leurs guides leur montrèrent aussi la tanière d’Aen, la Lame du désert, une dangereuse maraudeuse. Une zone à éviter, bien sûr. Il suffisait de voir la taille de ses varinx de compagnie.
Après un voyage aussi harassant, les bains chauds furent appréciés par tout le monde ! Laofa manqua s’endormir dans l’eau et elle n’était sans doute pas la seule. Le but de leur aventure était atteint. Chacun avait maintenant accès aux villes de sa race : Fyros, Tryker, Zoraï. Car, oui, pas un seul Matis dans leur groupe ! Les hasards des rencontres n’avait pas réussi à rajouter un membre de la Forêt à leur équipée.
Pourtant, d’aucuns avaient à présent envie de compléter leur tour du monde. Yrkanis, quand même, n’allait pas rester de côté !
Certains se sentaient de continuer, d’autres étaient appelés ailleurs. Illicite et Elanira durent partir, mais Dark’Zoroark-Knigt se proposa de les remplacer comme guide, lui-même devant passer par Thésos pour y prendre un pacte. Rendez-vous fut donné un peu plus tard sur la place de Pyr, avec les nouvelles recrues rencontrées en chemin.
Le désert recelait aussi quelques pièges, mais rien dont l’obstination des aventurier ne put venir à bout. Ils firent une petite pause casse-croûte au bar de Thésos et se baignèrent dans l’étang d’à côté, détendus, puis repartirent dans les dunes.
La conversation dériva sur les maraudeurs et les «grands noms» des exilés. Dark’Zoroark-Knigt leur apprit alors que sa sœur, Dark’Saylinata-Knigt (Saylin pour les amis) avait eu une aventure avec un de ces maraudeurs, Alric. Laofa nota l’info distraitement.
Bredi lui souffla discrètement que leur nouveau guide avait autrefois fait partie des marauds.
“Tu es sûr ?
-Oui oui, il a dit un truc comme ça tout à l’heure.
-Et maintenant, il est citoyen tryker… Ça n’a pas dû être facile. Mais il ne ressemble pas à un mangeur d’homin. Il a l’air plutôt sympa.
-C’est peut-être pour ça qu’il n’est pas resté chez les maraudeurs, hein…»
Même s’il faut se méfier des rumeurs, celle-là était croustillante et ça vaudrait le coup d’en apprendre plus, un jour. S’il avait vraiment été maraudeur, il devait savoir plein de choses sur eux, pleins d’histoires à écouter en sirotant une bière de slaveni. D’autant que Dark’Zoroark-Knigt aimait découvrir et faire découvrir les boissons locales !
Et bientôt les collines verdoyantes des Tertres de la dissidence furent en vue. Tout ce vert, après les ocres et ambres du désert, offrait un contraste surprenant. Le printemps parait les arbres de fleurs à peine écloses et la région s’annonçait magnifique.
Il y avait un camp maraudeur dans la région. Cheetah proposa qu’on effectue une reconnaissance pour “voir”.
Tout semblait calme. Trop calme, même… Pas un seul Maraud en vue. Laofa avait les mains moites.
“Je sens un grand trouble dans la Sève…” déclara Cyvos.
Cheetah décida alors de prendre plus de risques et s’approcha encore. Et encore un peu…
Soudain la colline où se trouvait la troupe se retrouva assaillie par une horde de Maraudeurs sortis de nulle part, armés jusqu’aux dents et visiblement absolument pas motivés par un pique-nique.
“Courez !” hurla Laofa.
Le combat fut bref et sans gloire. En quelques secondes, toute la troupe se retrouva à terre. Toute ? Non… L’un d’eux avait réussi à fuir et à se défaire des quelques homins qui le pourchassaient. C’est ce que supposa Laofa, bien sûr, parce qu’à ce moment elle n’était pas en état de vérifier…
Une fois le groupe à terre, les maraudeurs repartirent, sans un regard en arrière. Alors l’homin survivant les releva discrètement et ils repartirent sur la pointe des pieds…
Sinon, les collines étaient calmes ! Un vrai plaisir. Ils s’arrêtèrent un instant près du téléporteur de la zone. Les Trykers jouaient à tester leurs forces en duel, les Zoraïs testèrent la résistance des nouvelles plantes de la région, les Fyros soignaient les bobos de tout ce petit monde imprudent…Laofa vit alors un inconnu s’entretenir avec Dark’Zoroark-Knigt et Cheetah.
“Alric…” grinça cette dernière.
“Ma sœur n’est pas là, ce n’est pas la peine de chercher” gronda Dark’Zoroark-Knigt.
“Ta sœur se languit de moi, j'irai bientôt la retrouver” ricana le maraudeur.
Les autres s'étaient rassemblés, inquiets, derrière leurs deux guides qui échangeaient des remarques acerbes avec l’intrus. Laofa essayait d'empêcher ses genoux de jouer des castagnettes. C'est qu'avec sa grosse armure, il ressemblait bien aux méchants des contes pour enfants.
“On se retrouvera sur le champ de bataille, j'espère” finit par dire Alric. “Surtout toi, belle Cheetah.” Et il repartit.
Quand il fut à plus de cinquante mètres, Kaewa cria : “Et nous, on est moche ?”
Mais si le maraudeur entendit, il n’en laissa rien paraître. Après ça, le groupe se remit rapidement en chemin. Ils n’avaient plus envie de batifoler. Kaewa grognait et Bredi la rassurait sur son charme. Dark’Zoroark-Knigt leur conta l’histoire de sa sœur, fière amazone qui avait commencé à s’enticher de l’individu qu’ils venaient de croiser, et le tragique dénouement lorsque sa sœur avait compris que ses sentiments n’étaient pas partagés. Dénouement toujours à venir, visiblement, en fait…
Yrkanis fut enfin visible. Le groupe découvrit alors la cité sylvestre, et son architecture unique. Enfin, aussi unique que dans chaque autre capitale ! De fiers Matis les croisaient, regardant d’un air surpris leur air fatigué et leurs vêtements poussiéreux.
Le tour de l’écorce en une fois… Laofa soupira en prenant son ticket au téléporteur local. Cela avait été une sacré course ! Mais à présent, ils pourraient revenir tranquillement dans chacun des lieux qu’ils avaient visités.